Chaïm Soutine est né en 1893 dans une famille juive pauvre à Smilavitchi, près de Minsk, en Biélorussie (alors dans l’Empire russe). Dès son jeune âge, il montre une sensibilité artistique, mais son environnement conservateur et religieux ne soutient guère ses aspirations.
1. Vie et origines
Il quitte sa terre natale pour Vilnius, où il intègre l’école des beaux-arts. En 1913, grâce à un mécène, il rejoint Paris, épicentre de la vie artistique européenne, où il s’installe à La Ruche, une résidence d’artistes à Montparnasse.
2. Cours suivis et formation
À Paris, Soutine entre à l’École des Beaux-Arts, où il suit les cours du peintre Fernand Cormon. Cependant, il se sent peu concerné par l’enseignement académique et préfère se former dans les musées, notamment au Louvre, en étudiant les maîtres anciens tels que Rembrandt, Goya, Chardin, Courbet ou encore El Greco. Sa formation est donc hybride : entre les bases classiques et un regard profondément personnel.
3. Style et évolution artistique
Le style de Soutine est immédiatement reconnaissable : tourmenté, expressif, souvent convulsif. Il déforme les formes, exagère les courbes, et emploie des couleurs intenses. Loin du réalisme, ses œuvres traduisent une émotion brute, presque viscérale. Il peint avec une énergie fébrile, que ce soit dans ses paysages tordus, ses portraits distordus ou ses célèbres carcasses de bœufs.
Son art refuse toute idéalisation. Il cherche la vérité humaine, la chair, la souffrance, la fragilité de l’existence. Cela le place à contre-courant de l’abstraction et du cubisme, alors en vogue à Paris dans les années 1910-1920.
4. Influences
Soutine puise dans plusieurs traditions. L’influence de Rembrandt est capitale, notamment dans le traitement dramatique de la lumière et de la matière. Celle d’El Greco se ressent dans la déformation expressive des formes. Cézanne lui ouvre la voie vers une structure picturale plus libre, tandis que Van Gogh l’inspire dans la manière d’incarner l’émotion à travers la touche et la couleur.
Cependant, Soutine ne se réclame d’aucun mouvement. Il est lié à l’École de Paris, ce groupe hétérogène d’artistes (souvent immigrés) qui travaillent à Montparnasse, mais il garde une posture solitaire et marginale.
5. Technique picturale
Sa technique est physique, gestuelle, presque sauvage. Il utilise une pâte épaisse, souvent empâtée à l’extrême, où les coups de pinceaux sont visibles, presque sculpturaux. Il ne dessine pas ses formes : il les sculpte avec la couleur. Il retravaille sans cesse ses toiles, parfois jusqu’à les abîmer.
Son obsession pour la chair vivante est manifeste dans sa série des « carcasses de bœufs », où il va jusqu’à faire suspendre de véritables cadavres dans son atelier pour en saisir la texture et la décomposition. Cette recherche du réel, de la chair vivante, le hante.
6. Importance dans l’histoire de l’art
Chaïm Soutine occupe une place singulière dans l’art du XXe siècle. Il a été redécouvert et soutenu par le collectionneur américain Albert C. Barnes, ce qui lui assure reconnaissance et stabilité financière dès les années 1920. Son influence est majeure sur la peinture expressionniste, notamment américaine, et il est souvent cité comme une figure précurseur de l’expressionnisme abstrait, influençant des artistes comme Willem de Kooning ou Francis Bacon.
Sa peinture viscérale, passionnée, hors des normes, a contribué à ouvrir la voie à une expression de la subjectivité extrême, à une liberté picturale qui rompait avec les canons de son époque.
Conclusion
Chaïm Soutine fut un peintre inclassable, à la croisée de la tradition et de la modernité, du réalisme et de l’expressionnisme. Son œuvre incarne une intensité émotionnelle rare, une urgence de peindre qui confère à chaque toile une puissance troublante. Par sa technique frénétique, son regard sans concession sur la condition humaine et sa fidélité à sa vision intérieure, il demeure une figure essentielle de l’histoire de l’art moderne, dont l’influence se prolonge bien au-delà de son époque.

La sieste (Femme étendue sous un arbre) (1934)

Poissons et tomates

La servante en bleu (vers 1934)

Femme couchée sur un divan rouge, environ 1916

Portrait d'Emile Lejeune, vers 1922

La Gaude et les Baous, 1922

Maisons au bord de mer, 1918, huile sur toile, 67,4 x 53,8 cm

Paysage à Cagnes

Maisons dans la campagne, env. 1918-1919

Vue de Cagnes, vers 1924-25

Petite fille avec poupée, 1919

Marches rouges à Cagnes

Nature morte avec soupière, 1916

Le faisan mort, 1927

Le faisan, 1924
Sources :