Le héros discret – roman de Mario Vargas Llosa

Le héros discret – roman de Mario Vargas Llosa

Jeudi, 22 Février 2024

À Piura, Felícito, patron d'une entreprise de transports, est l'objet de chantage et d'intimidations mafieuses. À Lima, Ismael, à la tête d'une compagnie d'assurances, est menacé par ses fils qui convoitent sa fortune en souhaitant sa mort. Mais il ne faut pas prendre leur épopée trop au sérieux. Car entre mélodrame et vaudeville, Vargas Llosa s'amuse et nous amuse avec ces deux histoires qui forment un portrait drôle et corrosif du Pérou contemporain.

Extraits :

… cette inquiétude subliminale qui affleurait chez lui quand il volait, ce souvenir qu’il était à dix mille mètres d’altitude — dix kilomètres —, glissant à une vitesse de neuf cents ou mille kilomètres à l’heure, et que, dehors, la température était de moins cinquante ou soixante degrés. Ce n’était pas exactement de la peur qu’il éprouvait en vol, mais quelque chose de plus intense, la certitude que ce serait à tout moment la fin, la désintégration de son corps en un fragment de seconde, et, peut-être, la révélation du grand mystère, savoir ce qu’il y avait au-delà de la mort, si tant est qu’il y eût quelque chose, (p. 475)

Son père était peut-être pauvre, mais il était grand par sa droiture d’âme, parce que jamais il n’avait fait de mal à personne, ni manqué aux lois, ni gardé rancune à la femme qui l’avait abandonné en lui laissant un nouveau-né sur les bras. Si c’était vrai ce qu’on racontait du péché, de la méchanceté et de l’autre vie, il devrait maintenant être au ciel. Il n’avait même pas eu le temps de faire le mal, sa vie avait été de travailler comme une bête dans les métiers les plus mal payés. Felícito se rappelait l’avoir vu tomber le soir, mort de fatigue. Mais, par exemple, jamais il n’avait laissé personne lui marcher dessus. C’était, d’après lui, ce qui faisait qu’un homme valait quelque chose ou était une lavette...

Elle, une femme très grosse et très grande, aux joues comme des jambons, noyée dans une sorte de tunique écrue qui lui arrivait aux chevilles et couverte d'un gros tricot vert caca d'oie. Mais le plus étrange était l'absurde bibi plat à voilette planté sur sa tête, qui lui donnait un air caricatural. L'homme, en revanche, menu, petit, rachitique, semblait empaqueté dans un étroit complet gris perle très cintré et un gilet bleu fantaisie des plus criards. Lui aussi portait un chapeau, enfoncé jusqu'au milieu du front. Ils avaient un air provincial, semblaient égarés et déconcertés dans la foule de l'aéroport, et regardaient tout avec appréhension et méfiance. On eût dit qu'ils s'étaient échappés d'un de ces tableaux expressionnistes pleins de gens extravagants et disproportionnés du Berlin des années vingt, peints par Otto Dix ou George Grosz.

Source :

https://www.babelio.com/livres/Vargas-Llosa-Le-heros-discret/714942
https://www.fr.fnac.ch/a10429836/Mario-Vargas-Llosa-Le-heros-discret

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