Mela Muter (née Maria Melania Mutermilch en 1876 à Varsovie et morte en 1967 à Paris) est une figure singulière et puissante de l’art du XXe siècle, souvent méconnue, mais dont l’œuvre profondément expressive et humaniste mérite une attention renouvelée. Elle fut l’une des rares femmes artistes à s’imposer sur la scène artistique européenne de son époque.
La vie de Mela Muter
Mela Muter est née dans une famille juive, polonaise, aisée et cultivée, ce qui lui permit de recevoir une éducation soignée, rare pour une femme à l’époque. Elle s’installe à Paris en 1901, alors capitale artistique du monde, et s’intègre rapidement aux cercles intellectuels et artistiques. Elle fréquente des personnalités comme Rainer Maria Rilke, Stefan Zweig, ou encore Diego Rivera. Son parcours est marqué par l’exil, la guerre, la perte de son fils unique, et les épreuves liées à son identité de femme et d’artiste étrangère dans une époque troublée.
Les cours et la formation
À Varsovie, elle commence des études artistiques avant de rejoindre l’Académie de la Grande Chaumière à Paris, lieu ouvert aux femmes et aux étrangers, contrairement à l'École des Beaux-Arts. Elle y côtoie de nombreux artistes en devenir, dans un climat d’émulation foisonnant. Sa formation est essentiellement marquée par une volonté de dépasser les carcans académiques, de rechercher une expression libre et personnelle.
Le style et la technique
Le style de Mela Muter se distingue par une tension entre figuration et expression. Elle utilise des touches énergiques, des lignes nerveuses, une palette souvent sourde, mais parfois éclatante dans ses portraits ou paysages. Son œuvre mêle le post-impressionnisme, l’expressionnisme et des influences fauves, sans jamais s’enfermer dans un seul courant.
Son trait est rapide, incisif, presque sculptural par moments. Elle maîtrise l’art du portrait avec une intensité psychologique rare, captant les tourments, les fatigues, les silences de ses modèles. Ses paysages et natures mortes révèlent quant à eux une attention intime au monde, un regard sensible et grave.
Les influences artistiques
Mela Muter a été influencée par les grands courants de son temps : Van Gogh pour l’intensité émotionnelle, Gauguin pour les couleurs, Cézanne pour la structure, mais aussi les expressionnistes allemands. Elle entretient aussi un lien particulier avec l’art juif et les thématiques de l’exil et de la mémoire. L’héritage de la peinture polonaise est également perceptible dans certaines compositions, plus sombres et méditatives.
L’importance dans l’histoire de l’art
Mela Muter est une figure majeure de la diaspora artistique en France au XXe siècle. Elle occupe une place essentielle parmi les femmes peintres qui ont réussi à bâtir une carrière à une époque dominée par les hommes. Elle a exposé dans de nombreux salons, dont le Salon des Indépendants et le Salon d’Automne, et a été reconnue de son vivant, bien que partiellement éclipsée par les avant-gardes masculines.
Son œuvre a une portée profondément humaine : elle peint les oubliés, les humbles, les marginaux. Elle donne une voix picturale à la douleur, à l’isolement, à la résilience. Aujourd’hui, elle est redécouverte et réévaluée dans le cadre d’une attention nouvelle portée aux artistes femmes du XXe siècle.
Conclusion
Mela Muter fut une artiste de l’exil, de l’émotion et de la vérité intérieure. Sa peinture, marquée par les tumultes de son époque et par une grande intensité expressive, fait d’elle une figure profondément originale de l’art moderne. Elle incarne une quête de sincérité dans la représentation de l’âme humaine, et son œuvre demeure un témoignage essentiel, à la fois esthétique et existentiel, de la sensibilité européenne du siècle passé. À l’heure où l’histoire de l’art cherche à se faire plus inclusive, Mela Muter retrouve, à juste titre, la lumière qu’elle mérite.

Paysage provençale

Jeune femme à la robe mauve

Église Saint-Severin à Paris

Fille avec des tresses

Nature morte avec pommes et poires, vers 1920

Paysage du sud de la France, vers 1923

Port de pêche de Saint-Tropez

Provence, n°20F. 73 x 60 cm
Sources :