Krigou posa la toile vierge sur son chevalet, face à la lumière douce de son atelier. Aujourd’hui, il voulait peindre un paysage suisse, une scène paisible des Alpes, avec des sommets enneigés se découpant sur un ciel limpide...
Mais au fil du temps, sans qu’il ne s’en rende compte, la blancheur des sommets prit une teinte plus ocre, les sapins s’évaporèrent pour laisser la place à des eucalyptus. Le ciel, qu’il voulait d’un bleu pur et alpin, se chargea de nuages intenses, très bas, comme ceux que l'on voit sur les plateaux andins.
Krigou s’arrêta un instant, le pinceau suspendu dans l’air. Ce n’était pas la Suisse qu’il peignait, mais la Bolivie.
Il sentit alors son cœur se serrer. Là-bas, il avait vécu, marché dans la poussière ocre des chemins escarpés, respiré l’air rare des altitudes. Là-bas, il avait aimé, goûté aux matins froids des villages perchés et aux soirs où la lumière dorée caressait la terre craquelée. Les souvenirs s’étaient glissés dans sa main, s’infiltrant dans chaque touche de pinceau. Krigou esquissa un sourire, effleura du bout des doigts la toile. Il comprit alors que certaines images ne s’effacent jamais. Elles reviennent, insistantes, et trouvent toujours un chemin vers la lumière...
Lac de montagne en Bolivie – réf. CS1325 - Huile sur carton toilé - 24 x 18 - Première exécution, le 30 janvier 2025
English translation
Krigou placed the blank canvas on his easel, facing the soft light of his studio. Today, he wanted to paint a Swiss landscape, a peaceful scene in the Alps, with snow-capped peaks silhouetted against a clear sky...
But over time, without his realizing it, the whiteness of the peaks took on a more ochre hue, the fir trees evaporated to make way for eucalyptus. The sky, which he had intended to be a pure, alpine blue, became filled with intense, low-lying clouds, like those seen on the Andean plateaus.
Krigou paused for a moment, his brush suspended in the air. It wasn't Switzerland he was painting, but Bolivia.
He felt his heart clench. There, he had lived, walked in the ochre dust of steep paths, breathed the rare air of high altitudes. There, he had loved, tasted the cold mornings of hilltop villages and the evenings when golden light caressed the cracked earth. Memories had crept into his hand, seeping into every brushstroke. Krigou smiled, brushed his fingertips across the canvas. He realized that some images never fade. They return, insistent, and always find a way to the light...