Robert Walser

Robert Walser

Mardi, 2 Décembre 2025

Robert Walser (1878–1956) est un écrivain suisse de langue allemande, figure singulière et profondément influente de la littérature moderne. Sa vie comme son œuvre sont marquées par une fragilité extrême, une modestie radicale, et une sensibilité aiguë aux détails du quotidien.

Une vie d’effacement

Né à Bienne, Walser mène une existence errante : employé de banque, domestique, copiste, commis — des métiers modestes qu’il choisit souvent volontairement, convaincu qu’ils le rapprochent d’une forme d’humilité essentielle. Il vit à Berlin un temps, fréquente les milieux littéraires, rencontre les frères Mann, Franz Kafka, Robert Musil. Plusieurs voient en lui un génie discret.

À partir des années 1920, souffrant de troubles psychiques, il s’isole progressivement. En 1933, il est interné dans un hôpital psychiatrique où il passera les vingt-trois dernières années de sa vie. Il continue d’écrire un temps, souvent sous forme de « microgrammes » — des textes minuscules rédigés au crayon, presque illisibles, que la critique déchiffrera bien plus tard.

Il meurt en 1956 lors d’une promenade dans la neige, retrouvé effondré dans un champ blanc — image devenue presque symbolique de sa destinée solitaire.

Une œuvre lumineuse, fragile, excentrique

Walser a écrit des romans, des proses et de très nombreux textes courts, souvent publiés dans des journaux. Parmi ses œuvres majeures :

  • Les Enfants Tanner (1907) — roman initiatique foisonnant, énergique, très moderne dans sa forme.
  • L’Institut Benjamenta (1909) — récit étrange et poétique, situé dans une école de domestiques, proche du conte sombre.
  • Le Commis (1908) — roman empreint d’une mélancolie souriante, sur un jeune homme timide travaillant dans un bureau.
  • Les microgrammes — chefs-d’œuvre miniatures, aux phrases sinueuses, d’une délicatesse extrême.

Son style est reconnaissable entre mille :

  • une limpidité trompeuse,
  • une ironie douce,
  • une attention amoureuse aux petites choses,
  • une tendance à l’auto-effacement,
  • un art de la simplicité qui dissimule une profonde sophistication.

On parle souvent de sa « poétique du rien » : Walser magnifie ce que d’autres négligent, transforme une promenade, un geste, une émotion fugitive en éclats littéraires.

Influence et postérité

Longtemps oublié, il est redécouvert dans la seconde moitié du XXᵉ siècle. Kafka, Hesse, Benjamin, Sebald, Handke et tant d’autres ont reconnu une dette envers lui. Aujourd’hui, Walser est considéré comme un maître secret de la littérature moderne, un écrivain des marges, dont l’art subtil continue d’impressionner par sa liberté et sa sincérité.

Robert Walser demeure l’un des auteurs les plus délicats, les plus touchants, les plus mystérieux aussi — un homme qui voulait disparaître dans la langue, et qui a laissé des œuvres où chaque phrase semble respirer.

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