Les Enfants Tanner – roman de Robert Walser

Les Enfants Tanner – roman de Robert Walser

Dimanche, 14 Décembre 2025

Les Enfants Tanner est un roman qui marche à pas feutrés, comme s’il ne voulait surtout pas déranger le monde qu’il traverse. Publié en 1907, c’est l’un des premiers livres de Robert Walser, et déjà tout Walser y est là, tapi entre les lignes.

Le livre suit Simon Tanner, jeune homme sans ambition sociale claire, allergique aux carrières, aux hiérarchies et aux promesses de réussite. Autour de lui gravitent ses frères et sa sœur, mais le roman n’est pas vraiment une saga familiale. C’est plutôt une constellation de vies modestes, de tentatives, de renoncements doux. Simon passe d’un emploi à l’autre, souvent avec enthousiasme, toujours avec détachement. Il travaille, il quitte, il rêve, il observe. Le monde lui paraît à la fois vaste et étrangement léger.

Ce qui frappe d’abord, c’est le ton. Walser écrit avec une candeur volontaire, presque enfantine, mais cette simplicité est trompeuse. Sous l’apparente naïveté, il y a une lucidité aiguë, parfois ironique, parfois mélancolique, jamais pesante. Simon refuse la gravité sociale. Il préfère la pauvreté libre à la richesse enchaînée. Ce refus n’est pas un manifeste, c’est une manière d’être, discrète, obstinée, souriante.

Le roman est aussi une déclaration d’amour aux choses petites. Les promenades, les rencontres fortuites, les pensées qui surgissent sans prévenir. L’action importe peu. Ce qui compte, c’est le mouvement intérieur, cette façon de regarder le monde comme un spectacle toujours neuf. Walser transforme l’errance en art de vivre. Le personnage ne conquiert rien, ne s’élève pas, ne triomphe pas. Il se tient à côté, et ce “à côté” devient un territoire poétique.

En filigrane, Les Enfants Tanner annonce déjà une figure centrale de la littérature moderne : l’anti-héros volontairement marginal, celui qui choisit la modestie comme une forme de résistance. On y sent l’ombre de Kafka, qui admirait profondément Walser, mais aussi une singularité propre, plus lumineuse, moins angoissée.

Lire ce roman, c’est accepter un rythme lent, une voix qui chuchote plutôt qu’elle ne proclame. C’est un livre qui ne cherche pas à convaincre, mais à accompagner. Il laisse une impression étrange et persistante, comme une promenade dont on ne se souvient pas de chaque pas, mais dont on garde longtemps la sensation de liberté.

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