Berthe – nouvelle de Guy de Maupassant

Berthe – nouvelle de Guy de Maupassant

Lundi, 17 Juillet 2023

Sur la colline de Châtelguyon, le docteur Bonnet raconte les malheurs de Berthe, une simple d'esprit, dont il avait essayé en vain d'éveiller la pensée et de lui parler. Elle était née idiote, dépourvue d’intelligence. Elle ne savait pas parler, ne savait pas reconnaître son père de sa mère. Mais son corps, lui, se développait excellemment.

Elle avait seize ans maintenant et j’ai rarement vu pareille perfection de formes, pareille souplesse et pareille régularité de traits. J'ai dit une Vénus, oui, une Vénus, blonde, grasse, vigoureuse, avec des grands yeux clairs et vides, bleus comme la fleur du lin, et une large bouche aux lèvres rondes, une bouche de gourmande, de sensuelle, une bouche à baisers.

Mais le docteur Bonnet, après de longs efforts, réussit à lui faire reconnaître les heures, en fonction des repas.

Le père de Berthe et le docteur Bonnet se dirent ensuite qu’être mère pourrait peut-être lui faire un choc et la rendre, pas intelligente, mais moins stupide. Il la marièrent donc à M. Gaston du Boys de Lucelles.

Berthe, au bout de quelques semaines, tomba follement amoureuse de lui, et en devint dépendante. Une journée sans lui était une journée pleine de souffrance, où elle souffrait le martyr. M. Gaston aussi s’intéressa à elle les premiers jours puis finit pas se lasser de cette créature muette.

Mais lui se fatigua bien vite de cette belle créature ardente et muette. Il ne passait plus près d'elle que quelques heures dans le jour, trouvant suffisant de lui donner ses nuits.

Bientôt, il ne rentrait même plus lui « donner ses nuits ». Il s’arrangeait pour ne même plus rentrer le soir, il restait toute la nuit au casino avec des femmes autres qu’elle.

Berthe finit par en devenir folle.

Berthe – nouvelle de Guy de Maupassant

Extrait

"Voilà. Il y a vingt ans maintenant, les propriétaires de cet hôtel, mes clients, eurent un enfant, une fille, pareille à toutes les filles.

Mais je m’aperçus bientôt que, si le corps du petit être se développait admirablement, son intelligence demeurait inerte.

Elle marcha de très bonne heure, mais elle refusa absolument de parler. Je la crus sourde d’abord ; puis je constatai qu’elle entendait parfaitement, mais qu’elle ne comprenait pas. Les bruits violents la faisaient tressaillir, l’effrayaient sans qu’elle se rendît compte de leurs causes.

Elle grandit ; elle était superbe, et muette, muette par défaut d’intelligence. J’essayai de tous les moyens pour amener dans cette tête une lueur de pensée ; rien ne réussit. J’avais cru remarquer qu’elle reconnaissait sa nourrice ; une fois sevrée, elle ne reconnut pas sa mère. Elle ne sut jamais dire ce mot, le premier que les enfants prononcent et le dernier que murmurent les soldats mourant sur les champs de bataille : « Maman ! » Elle essayait parfois des bégaiements, des vagissements, rien de plus.

Quand il faisait beau, elle riait tout le temps en poussant des cris légers qu’on pouvait comparer à des gazouillements d’oiseau ; quand il pleuvait, elle pleurait et gémissait d’une façon lugubre, effrayante, pareille à la plainte des chiens qui hurlent à la mort.

Elle aimait se rouler dans l’herbe à la façon des jeunes bêtes, et courir comme une folle, et elle battait des mains chaque matin si elle voyait le soleil entrer dans sa chambre. Quand on ouvrait sa fenêtre, elle battait des mains en s’agitant dans son lit, pour qu’on l’habillât tout de suite.

Elle ne paraissait faire d’ailleurs aucune distinction entre les gens, entre sa mère et sa bonne, entre son père et moi, entre le cocher et la cuisinière.

J’aimais ses parents, si malheureux, et je venais presque tous les jours les voir. Je dînais aussi souvent chez eux, ce qui me permit de remarquer que Berthe (on l’avait nommée Berthe) semblait reconnaître les plats et préférer les uns aux autres.

Elle avait alors douze ans. Elle était formée comme une fille de dix-huit, et plus grande que moi."

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https://fr.wikipedia.org/wiki/Berthe_(nouvelle)

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